Musée La grande escale - DAKHLA
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Maitrise d’ouvrage - AGENCE POUR LE DEVELOPPEMENT DES PROVINCES DU SUD
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Surface - 0.27 ha
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Montant travaux - 5 M Dirhams
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Equipe - GROUPE 3
(Skander AMINE et Omar TIJANI)
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Etudes - 2014
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Réalisation -
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Crédit photo -
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Un site d’exception aux confins du Royaume – le domaine des barkhanes
La géographie
Au bord de l'Atlantique, la ville de Dakhla est située sur une presqu'île de 40 km de long qui forme la baie de Rio de Oro. Véritable havre de paix entre lagune et océan, Dakhla se trouve à environ 400km de la frontière mauritanienne.
Ce contexte géographique singulier de rivage de lagune en communication avec l’océan, crée un lien fort et permanent entre nature et culture. Un espace où la prégnance du lieu est plus forte que les variations de l’un des climats les plus sévère de la planète.
La lagune de Dakhla, avec ses exceptionnels paysages et son peuplement original tout au long des millénaires, en est l’exemple le plus spectaculaire. Elle est un carrefour à la fois naturel et culturel. Il est donc important de mettre en valeur la permanence du lien entre géographie et évolution du peuplement, dans ce contexte si particulier de lagunes en mer ouverte, avec un rivage séparant deux "pâturages", l’un maritime et l’autre continental, la région appartenant à la fois à l’aire atlantique et à l’aire saharienne. C'est sa position à l'extrémité occidentale du Sahara, le long du littoral atlantique, qui donne son homogénéité à l'ensemble de la région. Elle est le point de rencontre des climats nord-africain, saharien, sahélien et sud-atlantique, au gré de l'évolution globale de la planète. Sur son territoire se croisent les axes nord-sud (Maroc - Sénégal) et ouest-est (littoral - plaines et plateaux intérieurs), qui ont joué de tous temps un rôle essentiel dans les déplacements des paysages, de la végétation, de la faune et de l'homme.
Du croisement d'axes géographiques et d'influences climatiques naît la diversité des hommes et de leurs modes de vie. Le Sahara est avant tout un désert, que l'aridité peut totalement vider, ce qui est probablement arrivé à de nombreuses reprises au cours du Quaternaire. Mais il s’est à plusieurs reprises repeuplé par ses marges nord et sud. Ce mouvement perpétuel de va-et-vient entre le rivage et l'intérieur du désert est la marque principale de l'homme dans la région.
Le vent dominant
La côte nord-ouest d'Afrique est balayée par les alizés de direction générale nord nord-est, maintenus par les anticyclones des Açores et du Sahara. Les vents subissent l'influence du continent et en particulier du Sahara, si bien que l'on distingue l'alizé continental ou Harmattan (vent sec et chaud de direction ENE) et l'alizé maritime (vent frais et humide longeant la côte, de direction générale NNE). Les alizés soufflent pratiquement en continu. Ils s'affaiblissent en été (remontée de l'anticyclone des Açores, disparition de l'anticyclone saharien). Ils sont limités par la Zone de Convergence Intertropicale (ITCZ, ou équateur météorologique), au sud de laquelle se déplacent les lignes de grains apportant la pluie de la mousson. Sa remontée estivale amène des vents du sud-ouest chargés d'humidité, dus à l'anticyclone de Sainte Hélène.
Le système dunaire orienté NE-SO
L’orientation générale des systèmes est NE-SO et correspond à la direction de l’alizé. Cette orientation a pour conséquence que deux systèmes peuvent se succéder sans solution de continuité par le seul effet de la différence de latitude. La forme la plus courante de la dune vive est la forme en croissant connue sous le nom de « barkhane » et dont le nom maure est qord.
Les éléments de dunes vives se rencontrent dans des ensembles parfois serrés, et c’est l’aklé ou laissant des espaces entre les dunes, et c’est le rebt, ou en cordons et chaînes (bras d’erg).
Un certain nombre de plantes caractérise la végétation des systèmes de dunes vives ; ces plantes poussent dans les intervalles des dunes, les barkhanes elles-mêmes en sont dépourvues. Ce sont principalement : le sbot (Aristida pungens), l’aourach (Calligonum comosum), l’asserdoun ou sfar(Aristida acutiflora), le titarik (Leptadenia pyrotechnica) et pour une grande partie les Euphorbes.
Il est à noter aussi que les barkhanes forment réservoir de graines ; à l’intérieur du croissant existe un remous d’air qui dépose sur la pente poussières, graines et débris végétaux que la progression de la dune recouvre peu à peu.
Un jardin d’Euphorbes – une plante au carrefour des civilisations – un réservoir des espèces
Le roi Juba II de Mauritanie, roi berbère (partie occidentale de la Berbérie, à partir de l'actuel Maroc, en passant par tout le nord de l'actuelle Algérie, jusqu'aux frontières de l'actuelle Tunisie), fils de Juba Ier, né vers 52 av. J.-C. et mort vers 23 ap. J.-C., est un souverain érudit, célèbre dans le monde antique par ses recherches et ses ouvrages. Sa passion pour la botanique le conduisait à herboriser. C’est au cours de ses randonnées dans l’Atlas que fut découverte une plante jusque là inconnue, l’Euphorbe, à laquelle il donna le nom de son médecin grec, Euphorbius. Il étudia les vertus médicinales de la plante et lui consacra un traité.
L'Euphorbe épurge était souvent recommandée par les médecins de l'Antiquité. Elle prit également une grande place dans la médecine du Moyen Âge, les purgatifs étant parmi les remèdes les plus employés avant d'être supplantée par le ricin. Traditionnellement, elle était déjà utilisée par les Chaldéens et au Moyen-Orient comme élément de purification. Cet emploi est peut-être dû au fait que son latex, appelé "lait d'euphorbe", noircit à l'air libre, comme s'il se chargeait du mal qui l'entoure. Dans l'ensemble des pays méditerranéens, l'Euphorbe est censée chasser démons et djinns.
Largement répandues sur le monde méditerranéen depuis sa découverte par Juba II, cette famille de plantes aux vertus médicinales formera le thème des espaces paysagers du projet, constituant ainsi un micro conservatoire.
On y retrouvera les espèces les plus emblématiques et graphiques de cette famille. Leur aspect abstrait, régi par une architecture en lignes brisées et triangulations, leur donnera un caractère ludique tout en facilitant leur mémorisation par les visiteurs.
Euphorbia arbuscula et Euphorbia tirucalli formeront la strate arborée de l’aménagement. Leur couvert délicat laissera apparaître des jeux d’ombres «triangulées» sur les sols du parvis. Leur gradient de densité donnera une sensation progressive d’intériorité de la lagune vers le bâtiment.
Dans un même registre, la strate arbustive composée de Euphorbia balsamifera, E. canariensis, E. damarana, E. regis jubae et E. stenoclada accompagnera dans un souci de continuité esthétique la strate herbacée de Euphorbia aphylla, E. guyoniana, E. mauritanica et E. paralias.
L’ensemble de ces plantes étant parfaitement adaptées au climat et au bord d’océan ne nécessiteront que peu d’arrosage (ces plantes étant douées pour la captation de l’humidité par condensation de la rosée) et un entretien limité. De plus, ce gradient de végétation à proximité du bâtiment lui donnera la fonction de piège à sable.
Un parvis de barkhanes - le sable et la fertilité
Largement balayé par les vents de Nord Est, le sable s’immisce dans chaque recoin de la ville. Afin de mettre en valeur cette présence sableuse, végétal et minéral s’allieront pour bloquer de manière harmonieuse ces apports venteux. De micro barkhanes en pierre permettront à la fois de fixer le sable tout en protégeant les plantes installées dans leurs flans.
Le vocabulaire de l’ensemble de l’aménagement prend alors le parti du triangle, forme épurée de la barkhane mais aussi forme abstraite largement diffusée dans l’artisanat local. En effet, tapis, tissages, bois sculptés réalisés sur ce territoire contiennent le motif du triangle dont la direction prend diverses significations : les triangles dont la pointe se dirige en haut symbolise le feu, la virilité et les triangles dont la pointe se dirige en bas évoque l’eau, la féminité.
Le parvis reprendra alors pour l’ensemble de son calepinage ce motif en triangle, les éléments en relief (micro barkhanes) réduiront la sècheresse du site en limitant le sable tandis que les éléments en creux seront les lieux de la fertilité et de l’accueil du végétal. Les différentes variétés d’Euphorbes s’abriteront à l’arrière des barkhanes (pierre triangulaire inclinée) dans des creux-fosses de plantation. Ainsi protégées « naturellement », leur développement sera plus rapide tout en limitant leur évapotranspiration et leur besoin en eau.
Le parvis prendra la forme d’un vaste tapis se déroulant jusqu’à la lagune. Ces plissements seront les alibis à des usages différenciés : plissement en gradins sur la lagune permettant d’accéder à l’eau tout en contemplant le paysage lacustre, plat du parvis principal pouvant accueillir des manifestations à l’échelle de la ville, plissement en rampe pour un accès confortable vers le patio en creux protégé du vent permettant une attente allongée au pied du bâtiment (à l’image du parvis incliné du Centre Pompidou à Paris), plat du patio en creux permettant la réalisation de nombreuses activités du centre en extérieur, plissement en gradins sur le patio pour la mise en scène de spectacle. Ce tapis se prolongera sur la rampe du bâtiment et sa terrasse afin d’accompagner le visiteur tout au long de sa déambulation.
Un calepinage de triangles plus fins sur ce tapis formera des motifs mettant en exergue certaines fonctions du parvis : allée d’entrée au bâtiment, ponton d’accès maritime, fontaine sèche dans le patio,…
L’ensemble constituera une plateforme unique ou piétons et voitures seront au même niveau afin de rendre confortable et évidente la déambulation piétonne de la corniche vers le bâtiment. Des chasse-roues en pierres inclinées limiteront le parcours des voitures tandis que le piéton sera maître du parvis. Une dépose minute bus sur le boulevard Idriss II permettra un accès confortable aux visiteurs. Les places de parking seront disposées à proximité du parvis sur les sur-largeurs du boulevard Idriss II et du boulevard Mohammed V sous forme de bandes de stationnement latéral.
Un patio minéral – un cœur aqueux - un mirage de fraîcheur
Archétype du patio de l’habitat traditionnel, ce lieu devra permettre une programmation évènementielle de plein air, des lectures, des expositions temporaires, des aires d’animations, des projections. Une fontaine sèche, en marche lors des moments d’inoccupation, sera le point d’orgue de l’aménagement et de ce cœur de bâtiment. A la fois fontaine ludique pour les enfants par ses jeux de jets ou sol asséché les jours de manifestations, le cœur du patio marquera la vie dans le bâtiment. Constitué d’un tapis arasé, celle-ci pourra apparaître ou disparaître à volonté à l’image d’un mirage dans le désert, constituant à tour de rôle une nappe aqueuse ou un sol stérile.