"Du système de places au système de parcs : Nancy / Casablanca / Paris"
Par Bertrand Houin
In : Colloque "100 ans d’urbanisme à Casablanca 1914 - 2014"
Les 23 et 24 octobre 2014
« La ligne nord-sud, tangente au rempart, passant par le Grand Sokko (devenu Place de France) séparant deux natures, essentiellement différentes de sol : du roc au levant, de la terre arable, facilement irrigable, au couchant. Compte tenu de cette situation et du régime des vents, Henri Prost proposa et fit adopter le parti suivant :
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à l’est, sur le terrain rocheux, le commerce et l’industrie, dont les fumées poussées vers le large par le vent dominant, éviteraient, le plus souvent l’agglomération.
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à l’ouest, sur la terre arable, prédestinée à recevoir des plantations, les îlots de résidence : villas et cités-jardins jusqu’au voisinage des plages.
Entre ces deux zones, nettement caractérisées, une large et monumentale artère ou se concentre et s’exalte la vie de la métropole moderne du Maroc. Porte océane s’ouvrant sur le port, cannebière (boulevard du 4e Zouaves) conduisant à la place de France, terminus du trafic routier, la traversant et se prolongeant par l’avenue du Général d’Amade jusqu’à la Grand Place, âme de la ville, avec ses principaux services administratifs, aboutissant enfin au parc public accompagné des terrains de sport. »
Joseph Marrast, 1960, L’œuvre de Henri Prost. Architecture et urbanisme
Les différents éléments de ce système de places
Le boulevard du 4e Zouave (boulevard Houphouet Boigny, 1922-2014, 38m de large, 600m de long) – en analogie à Nancy avec la rue de Metz
« Regardez cette rue, c’est l’axe de ma ville. Elle ira droit à la mer. Je veux que les passagers débarquent en pleine vie… » Hubert Lyautey 1925
Réalisé en 1922 pour la visite du président Millerand, le boulevard avait été dessiné dès 1913 par Prost en vue aérienne. Artère principale reliant le port à la ville, entrée sur Casablanca, le boulevard sera surnommé la « Canebière » par correspondance avec l’avenue marseillaise construite de 1666 à 1928 sur 30m de large et 1km de long. Large de 38m sur 600m de long, son gabarit avec son terre plein central de 11m rappelle également la « Rambla » de Barcelone (35m de large sur 1.2km de long) qui relie si magistralement le port à la place de Catalogne et qui elle aussi s’est installée sur le tracé de la rivière canalisée. Débuté en 1922, le boulevard sera finalement achevé en 2014 par la réalisation du dernier segment devant la nouvelle gare Casa Port.
Entrée singulière de la ville depuis son accès principal de l’époque, son port, le boulevard est imaginé, au même titre que la rue de Metz à Nancy, comme un élément majeur de mise en valeur de la cité.
La place de France (place des Nations Unies, 1920-2012, 435x90m, 4ha) – en analogie à Nancy avec le Cours Léopold (1780, 470x120m, 7ha)
Imaginée comme le cœur commercial et le nœud de communication des transports, la place de France n’est autre que la place de grève de la ville. De taille comparable à la place de Catalogne de Barcelone (5ha), la place reçoit le premier marché et la gare routière de la cité. Elle est le « sas » d’entrée sur la ville, le vestibule en pendant à la place administrative considérée comme le salon de la cité. Son analogue nancéen, le cours Leopold (7ha), une des places les plus vastes de France, est une grande esplanade vouée à l’origine à recevoir marchés et foires. Largement arboré, le cours constitue de nos jours un poumon vert de la ville tout en permettant encore l’accueil annuel d’une grande fête foraine.
La place administrative (Grand’Place, place de la Victoire, 1916-2014, 3.8ha) – en analogie à Nancy avec la place Stanislas (124x106m, 1.3ha) et la place de la Carrière (1752-1755, 315x63m, 2ha)
Le dessin de la place Administrative, autour de laquelle les principaux édifices publics sont assemblés, et qui est composée de d’un rectangle et d’un carré assemblés sur un axe longitudinal, renvoie très surement à la place Stanislas de Nancy (réalisée de 1752 à 1756 sous la direction de l'architecte Héré) et au Palais Royal à Paris.
En effet même s’il est certain que Lyautey était très attaché au dessin de la place Stanislas (aux abords de laquelle il naît) et que Marrast en a tenu compte lors de son ordonnancement (on retrouve dans les archives de Marrast de nombreux clichés des places de Nancy et notamment de la place Stanislas), l’influence du Palais Royal (1780, Victor Louis) est réelle aussi : utilisation des galeries, mise à distance des façades par des alignements de Tilleuls, composition avec un carré et un rectangle, volonté d’en faire un lieu vivant avec des cafés et des restaurants…
En 1925, Lyautey faisant visiter le centre ville présente ainsi la place administrative : « tout ça, c’était des camps… ici je voulais faire quelque chose comme le jardin du Palais Royal… Une place fleurie, encadrée de longs bâtiments symétriques… »
La création de cette place institutionnelle a pour vocation d’affirmer la présence du Protectorat, sa justice et son administration générale et locale. Initialement nommée Grand’Place, puis rebaptisée place de la Victoire, la place administrative est un projet global qui concrétise les recherches engagées au début du XXe siècle par Léon Jaussely (1875-1932) (1905 plan d’aménagement de Barcelone) et Tony Garnier (1869-1948) (1903 Cité Industrielle), condisciples de Henri Prost (1874-1959) aux Beaux Arts.
En effet, déjà en 1910, Prost prévoyait dans son plan d’extension d’Anvers, une place, un lieu ou le peuple aurait pu manifester librement, d’inspiration libertaire, comme les espaces centraux de la « Cité Industrielle » de Tony Garnier.
Idéalement situé entre les quartiers d’affaires et la médina, les quartiers d’habitation dense à l’est et les quartiers plus aérés à l’ouest, l’intervention directe de Lyautey permet de récupérer l’emprise rectangulaire des anciens camps militaires.
Le programme de la place est élaboré par Prost en 1914 et l’ordonnance d’ensemble est dessinée par Joseph Marrast. La constitution de la place débute en 1916 par l’hôtel de la subdivision militaire (1916-1922 par Albert Laprade), puis 1920 le palais de justice (1920-1922 par Joseph Marrast), 1921 le monument à la Victoire (1921-1923 par Paul Landowski), 1922 le théâtre provisoire (1922 par Hippolyte Delaporte), 1925 le cercle militaire (1925 par Marius Boyer), 1925 les terrasses ouest, 1927 l’hôtel de ville (1927-1937 par Marius Boyer), 1938 le monument de Lyautey (par François-Victor Cogné, 2014 le théâtre CasaArt (2012-2014 par Christian de Portzamparc et Rachid Andaloussi).
Au-delà de l’implantation de la place, d’autres analogies avec la place Stanislas sont repérables :
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les angles ouverts du côté Est rappellent inévitablement ceux de la place Stanislas visant à créer une liaison douce entre les hautes faces et les basses faces. Les grilles et fontaines de Lamour, s’installant à l’époque pour masquer les reliques des fortifications, sont devenues aujourd’hui un premier plan agréable laissant passer les vues sur les bosquets d’arbres à l’arrière. A Casablanca, cette transparence laisse filer les vues à l’intérieur des jardins.
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le palais de justice reprend les proportions des basses faces de Nancy
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la façade de la wilaya est dessinée suivant trois ordres (ordre des arcades en partie basse avec ses colonnes épurées art déco, ordre de la galerie du premier étage avec ses arcs en ogive et ordre opaque correspondant à l’étage des bureaux secondaires) rappelant les trois ordres de baies des bâtiments de la place Stanislas – cette typologie des trois ordres sera d’ailleurs reprise pour la réalisation de l’ensemble des bâtiments administratifs de la place.
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les terrasses plantées de Ficus permettent de masquer les bâtiments par les arbres lorsque l’on se promène sur la place. Cet effet est saisissant lorsque l’on traverse la place de la carrière et amplifie la mise en valeur du Palais du Gouverneur en fond de perspective. Bien que plantés au début du 19e siècle, les Tilleuls constituant ces alignements font partie du patrimoine végétal de la ville déjà à l’époque de Lyautey
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le théâtre (CasaArt, 2012-2017) en analogie à Nancy à la Nouvelle Intendance (1751-1753, Palais du Gouvernement) deviendra le bâtiment phare de la place en bout de perspective.
Le parc central (parc Lyautey, parc de la Ligue Arabe, 1916-1919, 30ha) – en analogie à Nancy avec le parc de la Pépinière (1765-1772, 22ha)
Le parc de la Pépinière doit son nom et son plan en damier à sa fonction initiale : celle de pépinière royale, c'est-à-dire de réserve arboricole fondée par Stanislas Leszczyński en 1765 afin de fournir en arbres les routes lorraines et les avenues de Nancy. Malgré sa transformation en parc et son ouverture au public en 1835, l'aménagement en seize carrés de cultures a été conservé, et on le retrouve encore aujourd'hui en observant le tracé perpendiculaire de ses allées. Implanté de manière tangentielle à la place de la Carrière, ce parc se trouve au cœur de la ville et relie l’ancienne cité à la ville neuve du côté Meurthe à l’image du parc de la Ligue Arabe reliant lui aussi deux quartiers singuliers (la ville dense et la cité jardin). On notera que le parc de la Pépinière fut réaménagé pour son ouverture au public avec l’apparition de secteurs traités en parc à l’anglaise, disposition que nous retrouverons à Casablanca dans ce vocabulaire mixte de parc à la française avec son axe central et ces bosquets rectangulaires accompagnés de part et d’autre par des zones en parc à l’anglaise. Une autre analogie perceptible est le fait que dans les deux parcs, la vue est traversant : les haies sont taillées à un mètre et la vue des promeneurs filent de part en part sur la profondeur du parc. Cet effet d’immersion dans la nature tout en restant en contact avec la vie urbaine sera accentuée à Casablanca par l’installation d’arbres à grand développement sur le pourtour du parc masquant la vue sur les façades longeant le parc. Le promeneur est noyé dans le végétal tout en participant à la vie sur les avenues.
On retrouvera évidemment la fonction de pépinière d’arbres d’alignement à Casablanca par la mise en place du parc de l’Ermitage et de la pépinière d’Aïn Chok, pépinières communales placées à l’époque en dehors de la limite de la ville et qui se retrouve actuellement dans le tissu urbain.
Au début du XXe siècle, l'oued Bouskoura arrivait encore jusqu'à son embouchure près de Casa-port, longeant alors le rempart de la médina pour se jeter devant le Marabout de Sidi Belyout.
Son tracé permettra à Prost de proposer son parti de ville dissymétrique avec à l’Est de l’Oued la ville dure, dense sur le terrain rocheux et à l’Ouest de l’Oued, la ville fertile, la cité jardin sur la terre arable. Ce tracé deviendra la colonne vertébrale de la ville et Prost reliera ses deux parties en installant un système de places et de parcs : la rambla (la cannebière) du 4e Zouave relie le port à la place de France et constitue l’entrée de la ville depuis la mer ; l’avenue Hassan II avec ses larges galeries relie la place de France (place de grève, place gare routière) à la Grand Place (place administrative) ; puis l’avenue Hassan II longe le parc Lyautey (parc pépinière).
Cette composition d’entrée de ville (boulevard du 4e Zouave), place de grève (place de France), place administrative (Grand Place) et parc tangent aux places rappelle largement la composition du cœur de Nancy que Lyautey apprécié tant : place de grève (cours Carnot), place administrative (place Stanislas et place de la Carrière), théâtre (palais du gouverneur), parc (parc de la Pépinière).
Le système de parcs, une transplantation de Casablanca à Paris
La reprise des théories de Frederick Law Olmsted (1822-1903) et d’Eugène Hénard (1849-1923) par JCN Forestier (1861-1930)
Les systèmes de parcs
L’appartenance à la lignée de Haussmann-Alphand donne à Forestier la volonté d’intervenir par de grands projets à l’échelle de la ville. Sa théorie sur les grandes villes et systèmes de parcs reprend les idées de Frederick Law Olmsted (1822-1903). Il souhaite créer des systèmes de parcs, qui apparaissent comme des promenades urbaines où chaque espace naturel vient jouer un rôle de halte pour un promeneur. Cette approche, favorisant la marche, s’inspire des théories hygiénistes : la santé par une activité physique en plein air. C’est une approche qui nécessite aussi une opération à grande échelle pour un projet démocratique.
Forestier, parfaitement au courant des réseaux de parcs créés par Olmsted aux états Unis, notamment « le Collier d'Emeraudes » à Boston (1875-1900), s’en inspire largement pour la rédaction de son traité Grandes Villes et systèmes de parcs en 1906 qui propose un nouveau système d'embellissement pour Paris à l'échelle de l'agglomération. Fonctionnaire de la Ville de Paris de 1887 à 1927, il est conservateur du bois de Vincennes (1889), du bois de Boulogne et du secteur ouest des Promenades de Paris (1898). Il participe à la réflexion sur l'aménagement des fortifications dès 1905 au sein du Musée social puis de la Section d’Hygiène Urbaine et Rurale en 1908 et enfin de la Société Française des Urbanistes à partir de 1911.
Membres du Musée social depuis sa création (1894), Forestier et Hénard se connaissent très bien. L’ouverture du débat sur les espaces libres et les fortifications de Paris va leur permettre de confronter leurs idées au sein du groupe à partir de 1905.
Cependant les premières propositions de Hénard sur le sujet datent de 1903. En effet dès 1903, Hénard propose de créer un système de 12 parcs sur l’emplacement des anciennes fortifications de Paris : 3 sont existants (Bois de Boulogne, Bois de Vincennes, parc Montsoury) et 9 sont à créer. Leur distance serait d’environ 2000 mètres et leur superficie varierait entre 9 et 12 hectares. Les 12 parcs sont parfaitement précisés sur un plan joint à cette étude sous le titre « Projet de boulevard à redans de grande ceinture avec les 12 parcs périphériques ». Une deuxième version plus détaillée de ce plan apparaît en 1905 sous le titre « plan général des transformations de Paris –première esquisse », plan qui servira de base à la proposition du Musée social de 1909 avant d’être écarté au sein du groupe par un plan prenant en considération les idées concurrentes de Dausset. La proposition de Dausset est diamétralement opposée à celle de Hénard : son plan ne propose que des squares linéaires continus sur l’ensemble du tracé du futur boulevard circulaire alors que le plan de Hénard proposait une ponctuation de parcs de grandes importances (15 à 20 hectares) sur l’ensemble du tracé. Hénard s’éloigne alors du groupe du Musée social et écrit un texte en réplique dans L’Architecture le 11 décembre 1909 (p.420-423) où il explique les différences entre son projet et celui de Dausset. Pour Hénard, ces futurs parcs doivent être de grandes dimensions car « il faut que ces surfaces soient non des bandes étroites, mais des aires carrées, polygonales ou circulaires, dont les dimensions soient les plus grandes possibles dans tous les sens. Un parc ne remplit complètement son rôle hygiénique que s’il offre aux habitants qui le fréquentent un refuge qui les isole du bruit de la cité et qui les protège contre les dangers inhérents aux locaux surpeuplés…Pour assurer cette protection, un parc doit être bordé de hauts et épais massifs d’arbres, qui arrêtent comme un filtre les poussières urbaines et qui masquent les maisons qui l’entourent. Au centre, il doit offrir de vastes pelouses bien ensoleillées».
On peut dès lors s’interroger sur le rôle de Forestier dans l’ « éviction » de Hénard du Musée social et le choix du projet de Dausset. La concurrence des thèses des deux hommes sur les systèmes de parcs et notamment les aménagements de Paris n’a-t-elle pas poussé Forestier à éconduire son adversaire? Hénard sortira quelques mois plus tard du monde du travail suite à une attaque cérébrale, laissant alors le champ libre à Forestier.
Les expérimentations de Casablanca
Arrivé en 1913 (soit deux ans après la création du La Société Française des Urbanistes dont il fait parti), Prost entend poursuivre au Maroc la réflexion générale que lui-même et ses compatriotes (Léon Jaussely, Tony Garnier, Eugène Hénard, Jean Claude Nicolas Forestier, Donat-Alfred Agache, Marcel Poëte, Edouard Redont) ont entamée depuis le début du siècle sur l’aménagement et le développement des villes. Il a l’intention d’expérimenter sur le terrain, en vraie grandeur, toutes les recommandations en matière d’hygiène, de circulation et de croissance urbaine formulées, notamment, par la Section d’hygiène urbaine et rurale du Musée social :
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la division des villes nouvelles en « zones différenciées » selon leur destination et leur densité, les « réserves » de terrains libres, destinées aux zones d’extension et aux parcs ;
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les opérations de construction « à tiroirs », adaptées à la dynamique urbaine ;
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la réglementation de la largeur des « avenues-promenades » et autres voies de circulation en fonction de la hauteur des bâtiments, de la forme des lotissements et de la typologie de constructions ;
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enfin, la mise en place d’un « système de parcs », cher à Forestier, afin de mettre en réseau l’ensemble des futurs espaces publiques de la ville.
Le réseau radial constitué par les places, le parc Lyautey, le parc des Hôpitaux, le parc Murdoch et le parc de l’Ermitage
Constituées progressivement à partir de 1915, les espaces publics s’installent en un chapelet de places et de parc le long du tracé de l’Oued Bouskoura afin de créer ces agrafes entre la ville dense et la cité jardin. Imaginant l’évolution du tissu urbain, Prost propose dès 1915 sur son plan d’aménagement la construction du parc Lyautey aux abords de la Grand Place sur des terrains marécageux, l’installation du parc hospitalier (plus de 50ha) en liaison directe avec le boulevard circulaire, la réalisation du square Murdoch en liaison avec le lycée Lyautey (1922, Bousquet) et la constitution d’une pépinière en bordure du tissu urbain existant le parc de l’Ermitage dénommé à l’époque jardin d’horticulture. L’ensemble forme le début d’un système de parcs voué à se prolonger et à suivre l’évolution de la ville.
Le réseau périphérique le long du boulevard Zerktouni constitué par les lycées, les hôpitaux, les lieux de cultes
Présent dès 1912 sur le plan Tardif d’extension de Casablanca, le boulevard circulaire constitue le premier boulevard de ceinture de la ville qui sera complété sur le plan Prost par la mise en place de l’avenue Moulay Youssef. Voué à concentrer les flux de la ville, le boulevard circulaire accueille un chapelet d’équipements.
Le premier équipement à venir se « plugger » sur le boulevard est le parc Central (1918, Laprade) dont l’axe majeur traverse le boulevard pour finir en parkway vers le quartier palmier. Le parc des hôpitaux (1920, Bousquet) est lui aussi connecté directement dès le plan Prost tandis que de multiples équipements viendront par la suite profiter de la proximité du boulevard : premier lycée Lyautey (1922, 4ha), deuxième lycée Lyautey (1963, 5ha) sur l’ancien camp Turpin accompagné plus tard du site de Beaulieu (1965, 4ha), lycée Chawki ex lycée de jeunes filles (1922 et 1955, Michaud), groupe scolaire du rond point de l’Europe (1954, Courtois), école Molière (1961), lycée Jaber Ben Hayan, lycée Bent Bakkar, maison des jeunes, mosquée et marché Badr, église Notre Dame de Lourdes (1954), Institut Français (1960, Renaudin), le Twin Center (1998, Bofill).
L’héritage parisien
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Le Sud parisien - la vallée de la Bièvre – les aménagements en réseau par Alexandre Chemetoff – 1985 -2020
Longue de 36km, la Bièvre est le seul affluent parisien de la Seine. Sa vallée, bien marquée sur la plus grande partie de son cours, part de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines au cœur de Paris. La Région d'Île-de-France agit pour faire revivre cette rivière, en collaboration avec les collectivités locales traversées, les différents gestionnaires de l'eau et de l'aménagement : la Ville de Paris, 4 départements, 49 communes, des syndicats importants tels que le SIAAP et le SIAVB. Mais si la partie amont a conservé son caractère rural, aujourd'hui protégé par un classement de site, la Bièvre a disparu de la partie urbanisée : l'égout à ciel ouvert qu'elle était devenue au XIXe siècle a été transformé en égout véritable. En banlieue, elle coule sous des dalles de béton, installées au cours de la première moitié du XXe siècle. À Paris, son lit lui-même a disparu presque partout entre la fin du XIXe et le début du XXe. Ses eaux ont été conduites dans le grand collecteur de la rive gauche, puis dans des déversoirs qui les rejettent en Seine avant même d'entrer dans Paris.
La renaissance de la Bièvre, de la source au confluent, est donc un projet d'envergure régionale, mettant en jeu de nombreux partenaires et posant des problèmes très contrastées : préservation à l'amont, réouverture en banlieue, restauration à Paris. Chemetoff est intervenu dès l’amont des études dans les années 80 sur de nombreux diagnostics afin de préparer la réouverture de la rivière et sa mise en valeur par un parcours, système de parcs, le long de son tracé. Aujourd’hui, parc des prés de Fresnes, parc de l’Hay les Roses, squares à Gentilly et Arcueil constituent les premiers maillons de ce réseau qui sera complété au fil du temps et de l’extension de l’urbanisation.
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L’Est parisien – système de parcs et de base de loisirs par Gilles Vexlard – 1985-2015
Fort des propositions de Forestier quand au système de parcs reliant les différents bastions de la région parisienne (proposition reprise là encore de Hénard puis par Forestier), Gilles Vexlard s’attachera durant toute sa carrière à constituer une partie des maillons de ce réseau sur la partie Est de Paris.
Formé à l’AUA, avec Alexandre Chemetoff, Jacques Coulon, Michel Corajoud,… la conscience sociale du métier de paysagiste sera toujours un élément dominant de sa démarche de projet. Ces interventions se diffusent du quartier Est du centre de Paris (square Tage Kellerman, 1997-2001, 13e) vers les communes les plus excentrées (montagne de Chelles 2007, base de loisir de Vaires 1993, base de loisir de Bois le Roi 1985, base de loisir de Draveil 1992, parc du Bicheret Chessy 2006,…) en passant par la ville nouvelle de Marne la Vallée (parc du Mandinet 1981).
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La Seine – système de parcs fluvial
Attirée irrésistiblement vers le fleuve, une partie des grands parcs parisiens est connectée à la Seine. Plus d’une dizaine de grands espaces verts de la région parisienne ont ainsi pour thème les berges de Seine et leur liaison est réalisée progressivement afin d’obtenir à terme une promenade continue de Paris centre vers le Grand Paris. Essentiellement situés pour l’instant sur la moitié Ouest du territoire pour des questions de développement résidentiel plus fort, nous pouvons citer un chapelet de parcs allant du parc de Bercy au parc du chemin de l’Ile à Nanterre, l’ensemble constituant un système de parcs des berges de Seine.
Epilogue
Nous pouvons dès lors comprendre que les enseignements de Casablanca ont fait recette à Paris. Une réflexion est toujours en cours sur le Grand Paris et son développement à travers ses espaces ouverts et la densification urbaine.
Qu’attend Casablanca pour se saisir de ce patrimoine avant-gardiste afin de retrouver cet esprit prospectif pour l’aménagement du Grand Casablanca ?